Club Royal de Portsmouth
Un club très "british" et maritime.
Découvrez la passion pour l'aviron chez les "autres" et constatez qu'il
existe un mouvement pour la rame qui transcende les frontières et les différences.
en avril 2003 par Christophe L. (CSNB - Brive)
Le grand jet d'eau de Genève n'est pas encore réveillé. Je me ballade Ã
pied le long de la jetée qui fait face aux batiments officiels quand j'aperçois un skiff qui semble
rentrer dans un petit port de plaisance.
Sans me poser de questions, je suis l'embarcation et
me retrouve à l'entrée d'un club house aux coupes luxueuses et au décor traditionnel d'un port
d'amoureux de l'eau et en l'occurence du Lac Léman !
Un restaurant très bien tenu se trouve à ma droite, mais il est trop tôt pour penser à manger (8h), je
poursuis la traversée du club pour aboutir aux pontons des voiliers. A cet endroit Là , un petit
ponton permet au skiff d'aborder. Un bonjour... ah flute... le rameur parle peu le français mais arrive
à me dire qu'un responsable devrait arriver dans quelques minutes.
En attendant, je fais connaissance avec des mordus de la rame, vétérans à première vue. Je leur demande
s'il est possible de prendre un skiff pour partir découvrir le lac... Je commence à être habitué Ã
l'excellence du caractère des rameurs car une fois encore la réponse est positive, sans même me
demander ma carte de licencié. Je vois se préparer un 4 de couple et un skiff de "fameux résistants" :
ils doivent faire de l'aviron depuis un bon bout de temps. L'un d'entre eux m'explique que le début de
matinée est propice à la rame car il n'y a pas encore beaucoup de bateaux à moteurs de sortie donc
pas trop de vagues. Il est vrai que l'eau est bien calme; j'ai de plus en plus envie de sauter dans une
embarcation !
Je me change dans le vestiaire, un rapide coup d'oeil au passage dans la salle de musculation : y'a pas photo, les Suisses, y zont les moyens ! Ergos, vélos, etc., etc. le tout parait neuf. Mais ce qui attire le plus mon attention, c'est la vieille gravure qui traîne dans un coin : une photo de 1912 avec un deux de couple surmonté de deux rameurs (habillé à la belle époque) fiers d'avoir gagné quelque course. L'entrepôt des bateaux est plein à craquer. Je fais alors connaissance d'un responsable qui me fait remarquer que la plupart des skiff appartiennent à des rameurs et pas au club. Bah, il en faut moins pour me démonter et j'accepte tout de suite la moindre cariole qu'il me propose avec sa paire de pèles associée. Ma gratitude est sans limite quand un être humain me permet de poser mes augustes fesses sur une coulisse !
Et hop, me voilà sur le ponton à gréer le skiff providentiel. Quelques remarques me sont prodiguées
car il n'y a pas de bateau de sécurité. Génial ! Je vais découvrir le Lac Léman, seul, livré à moi même,
et puis l'eau est quand même à 10°C... Je pousse très légèrement le skiff car le ponton est tout
proche d'un autre reservé à un voilier absent. Je dois faire très attention à ne pas chavirer à cause
d'un cable d'amarage, ou d'une bouée, ce port fourmille de voiliers ! C'est la première fois que
je quitte un port en aviron, la sensation est intéressante mais ce qui vient est encore mieux.
Je rame sur le Lac Léman... l'étendue d'eau est relativement calme, quelques bateaux au loin
finissent par faire onduler la surface jusqu'Ã me balloter un peu : rien de grave. Je jouis d'une vue
exceptionnelle sur la vieille ville de Genève et le quartier des institutions mondiales. Un peu plus
loin, un avion entame sa procédure d'approche sur l'aéroport, j'en compterais une dizaine pendant mon
périple, ce qui est bien moins que le nombre d'embûches sur mon parcours : pêcheurs, voiliers,
bites d'amarages, etc. Je longe la côte vers l'est en passant parfois au large des criques. Au début,
le bruit de la route est un peu énervant mais au bout du premier kilomètre, la route est remplacée
par une succession de maisons ou de jardins, de petits ports privés... une envie d'acquisition ? Je
reprends mes esprits... je suis en Suisse... le pays des chocolats et de la vie chère. Ici ou ailleurs,
un rameur est un rameur : 8 kilomètres au compteur, je vois le 4x repartir en sens inverse. Je ne vois
déjà plus le grand jet d'eau annonçant le Rhône, je plante rouge et suis de loin la cohorte.
Le plaisir de l'aller sera tout intact au retour, tous mes sens sont en éveil, je ne veux rien manquer
de cette ballade improvisée. Plusieurs arrêts me permettent de regarder l'horizon lointain de ce lac
immense. C'est un peu à contre coeur que je me rapproche du point de départ, plumant la surface
avec mes pèles comme un geste de mauvaise humeur. Mais non, je reviendrai ! Et après tout, j'aurai
fait sans fatigue 16 kilomètres, soit un peu plus du dizième du tour du lac... oui, je reviendrai. Ah
voilà monsieur le ponton que j'aborde en dénageant, il n'y a toujours pas plus de place en largeur qu'un
voilier. Personne au club... je range le skiff, les pèles et remercie le club de Genève pour leur
gentillesse et le témoignage de de leur confiance à mon égard.